top of page

Le salpêtre, une histoire détonante !

Les sels, le dessalement des pierres en œuvre, préservation, conservation, traitements…

Hygroscopicité et transport de l’eau et des sels dans les matériaux poreux

L’hygroscopicité est la capacité que possède une substance à attirer les molécules d’eau de l’air ambiant par absorption ou adsorption.

Si des cristaux de sels absorbent une quantité d’eau suffisante, ils pourront alors passer en solution (se liquéfier), c’est le phénomène de déliquescence ; ils pourrons ainsi être transportés à l’intérieur des matériaux poreux. 

Imprégnation d’un matériau par l’eau liquide

L’eau peut pénétrer dans un matériau poreux soit sous forme liquide, soit sous forme de vapeur. A l’état liquide, deux mécanismes peuvent être mis en jeu, la capillarité et l’infiltration. Dans le mécanisme de capillarité, le mouvement de l’eau à travers un matériau poreux non saturé est dû aux forces qui poussent l’eau à se déplacer vers les zones où son énergie libre sera la plus basse.

A l’état vapeur, l’eau est introduite principalement par deux mécanismes,

  1. par condensation, à la surface et à l’intérieur (condensation capillaire ou micro-condensation) du matériau,  

  2. par hygroscopicité (absorption ou adsorption de molécules d’eau).

Pression de cristallisation et détérioration des matériaux

La théorie la plus répandue et la plus acceptée pour expliquer la détérioration des matériaux poreux par les sels considère que la croissance des cristaux de sel à l’intérieur du réseau poreux exerce sur les parois des pores une pression, appelée pression de cristallisation, qui est responsable de l’endommagement du matériau lorsqu’elle excède la résistance à la rupture par traction de ce dernier.

Néanmoins, plusieurs mécanismes de détérioration peuvent potentiellement entrer en jeu de façon concomitante. Il existe donc une synergie entre les différents facteurs de détérioration. Des études ont ainsi montré que la présence de sel amplifie le gonflement des argiles.

La présence de la solution saline dans le réseau poreux tend ainsi à réduire la résistance mécanique de la pierre, notamment car elle augmente le taux de propagation des fractures. La cristallisation des sels serait donc d’autant plus destructive que le milieu poreux est imprégné d’une solution saline.

Nature et origine des sels

Certains matériaux de construction contiennent naturellement des sels ; par exemple,

  • des mortiers de chaux fabriqués à partir d’une pierre calcaire dolomitique renfermeront des sulfates.

  • Certaines pierres contiennent aussi intrinsèquement des sels, c’est le cas du calcaire de Sigean ou de certains calcaires égyptiens.

 

Les sels pénètrent fréquemment dans les maçonneries par la remontée capillaire d’eau naturellement chargée de sels provenant du sous-sol. Mais la forte teneur en sel de l’eau du sous-sol peut aussi être la conséquence d’activités humaines.

  • Les sels de déverglaçage répandus sur les routes en hiver se retrouvent absorbés en solution par les bâtiments alentours.

  • Les nitrates peuvent provenir de l’utilisation d’engrais chimiques.

 

La raison même d’être d’un bâtiment peut être source de sel.

  • Tel est le cas des bâtiments construits pour le salage des viandes, le stockage du sel.

  • C’est également le cas des bâtiments abritant des animaux (étables, écuries, etc.) que cela soit leur usage d’origine ou une reconversion.

 

Les sels peuvent également pénétrer dans les monuments par voie atmosphérique. Ces derniers peuvent être d’origine naturelle,

  • le cas le plus étudié étant le chlorure de sodium apporté par les embruns marins.

 

Ils peuvent aussi être d’origine humaine, en particulier provenir de

  • la pollution par les oxydes d’azote ou de soufre (proximité d’une centrale à charbon par exemple).

 

Les sels peuvent aussi être les produits naturels du métabolisme d’organismes vivants. Le cas le plus répandu reste cependant l’utilisation lors de restaurations.

  • du ciment Portland, matériau qui contient naturellement des sulfates alcalins.

 

Des modifications importantes sur des bâtis anciens peuvent aussi altérer dramatiquement les chemins de transport de l’eau et donc la localisation des zones d’évaporation et de cristallisation des sels.

  • Ainsi la mise en place d’un nouveau plancher en béton en remplacement d’un ancien sol perméable (terre battue, dallage de pierre) a abouti à la détérioration accélérée des piliers internes de plusieurs églises. Ces piliers étaient en effet devenus les uniques conduits d’évaporation de l’eau du sous-sol.

Méthodes de traitement des sels.

Avant de dessaler un matériau, il faut essayer d’identifier la provenance des sels et chercher à éviter ou à diminuer tout nouvel apport (par l’installation d’une barrière étanche à la base d’un mur par exemple) sans quoi tout dessalement, même réussi, n’aura qu’une action très limitée dans le temps sans compter que l’efficacité d’un traitement de dessalement, généralement long à mettre en œuvre, n’est jamais garantie.

Principe du dessalement par compresse

Le dessalement par compresse vise à extraire les sels du substrat par l’intermédiaire de matériaux humides, appelés compresses, qui sont appliqués à la surface du matériau poreux contaminé.

Distribution des sels dans les maçonneries

Les maçonneries des bâtiments anciens sont des systèmes ouverts qui vont régulièrement

recevoir des apports d’eau chargée de sels. Cette eau va aussi en permanence quitter ces

matériaux poreux par évaporation de telle sorte que les sels sont constamment en train de

s’accumuler aux points d’évaporation.

Par remontée capillaire, l’eau va s’élever dans un mur avec une vitesse qui décroît avec la

hauteur, alors que l’évaporation à la surface du mur, a une vitesse quasi uniforme.

A proximité du sol, la vitesse de montée capillaire est grande, supérieure au taux

d’évaporation et un film d’eau est présent à la surface d’évaporation (mur humide) (Figure).

Plus haut, la vitesse de montée capillaire est plus faible, la solution peut devenir sursaturée

et les cristaux de sel croissent à la surface du matériau, il y a formation d’efflorescence.

A la hauteur limite d’équilibre de la montée capillaire, l’apport d’eau par remontée capillaire

devient égal à sa perte par évaporation.

Le dessalement,

avec des compresses est une méthode reconnue - à la fiabilité démontrée dans de nombreux ouvrages remarquables - pour réduire de façon significative les sels néfastes pour le bâtiment.

Le dessalement par compresse permet de réduire les sels dans la zone superficielle des matériaux de construction poreux. D'une part, avec l'objectif de réduire - sur le long terme - le potentiel de dommages. D'autre part, cette mesure peut, à court terme, représenter la base d'un travail de restauration et de conservation. Cette méthode est utilisée dans la conservation et la préservation des bâtiments et monuments historiques, le plus souvent en pierre naturelle, parfois aussi en briques. Le dessalement peut être associé à un risque pour le bâtiment et endommager. Il convient donc de toujours préciser à l'avance si l'objectif est de réduire durablement les influences néfastes ou de préparer un travail de préservation.

 

 

 

La méthode des compresses a l’avantage d’être applicable in situ et donc utilisable dans le domaine de la conservation du patrimoine architectural. Ce traitement consiste en l’application sur le matériau contaminé par les sels d’une pâte humide appelée compresse. Pendant le dessalement, les sels sont transportés du matériau vers la compresse, puis éliminés du système lorsque celle-ci est retirée.

La détérioration des matériaux par les sels est un phénomène connu depuis longtemps. Hérodote observait déjà en ancienne Egypte « la saumure partout efflorescente, assez âcre pour endommager les pyramides ».

Les sels pénètrent dans les matériaux en solution puis cristallisent suite à des changements environnementaux (température, humidité relative, etc.). La détérioration est liée à la répétition du cycle de dissolution/recristallisation des sels à l’intérieur du réseau poreux du matériau.

Ce type de détérioration est souvent observé sur les matériaux de construction traditionnels (pierre, brique, mortier, enduit, etc.) dont sont constitués de nombreux monuments édifice, historiques où une grande quantité de sels a pu s’accumuler au cours des années voir même de siècles.

La compresse peut être appliquée à la main ou à la machine.

Après humidification préalable, le matériau de compresse est mélangé à de l'eau distillée ou déionisée et appliqué, en une consistance plastique, en une épaisseur de 15 à 30 millimètres, sur la surface à dessaler. Sur surface filigrane, une couche d'épaisseur inférieure peut également convenir.

La compresse peut être appliquée en une ou plusieurs couches, à la main ou avec une machine à enduire. Pour une petite surface ou une surface sensible, l'application intervient en général à la main. Une surface particulièrement sensible peut - pour faciliter le retrait ultérieur - être recouverte au préalable d'une protection mince, perméable et porteuse constituée par exemple de cellulose ou de papier japon.

Elle est tamponnée avec le pinceau adapté, sans inclusion d'air, sur la pierre auparavant humidifiée. Pour dessaler des surfaces localisées, la compresse doit être appliquée au moins 20 centimètres au-delà de la zone visiblement contaminée de sel pour éviter plus tard les effets de contour indésirables. Si le dessalement est fait en associant transport par diffusion et par humidité, la compresse peut être maintenue humide en permanence pendant environ une semaine en la recouvrant d'un film.

On peut ensuite la laisser sécher. Le processus de séchage doit s'étaler en continu sur le temps d'action de la compresse. Il est indispensable de contrôler la progression du séchage. Si la compresse sèche prématurément ou s’est décollée du support, elle doit être retirée et remplacée par une fraîche après avoir de nouveau légèrement humidifié le support. La durée d'application raisonnable et le nombre de cycles nécessaire sont difficiles à prévoir. Il convient de le déterminer - dans la mesure du possible - en réalisant des surfaces échantillon ou en analysant le sel de la compresse après chaque cycle.

Il est possible de prendre pour base de calcul une application en deux ou trois fois, avec un temps d'action d'environ trois semaines chacun. En fonction de la sensibilité du support, des traces adhérentes de la compresse peuvent être nettoyées à sec manuellement ou mécaniquement.

Une histoire (entre autres) détonante car 220 ans avant JC, déjà la Chine avait découvert qu’avec du salpêtre l’on pouvait fabriquer de la poudre noire

Nitrate de potassium et poudre à canon

La fabrication des explosifs est connue depuis la nuit des temps puisque la poudre noire fut

découverte en Chine en 220 avant Jésus-Christ. En 690, les arabes ont utilisé la poudre noire

au siège de La Mecque. Et c’est au XIIIe siècle qu’elle est arrivée en Europe.

Le salpêtre (70 %), mélangé avec du soufre (15 %) et du charbon (15 %) permet d’obtenir la poudre à canon. Cette poudre a joué un rôle important dans l’histoire du monde, en assurant une supériorité militaire à ses détenteurs.

Entre le XVIIe siècle et le début du siècle, le salpêtre des Indes britanniques constitue une matière première de choix tout royaume décidé à étendre son empire. Entre 20 000 et 50 000 tonnes de salpêtre alors produites annuellement dans la vallée du Gange. Le salpêtre cru (également salpêtre de houssage) est extrait de nitrières naturelles où il est ramassé à la surface du à l’aide « de longs balais appelés houssoirs.  

 

 

 

 

 

 

 

 

De nos jours, le nitrate de potassium un additif alimentaire (E252) utilisé comme fixateur, salant et agent à effet secondaire » mais aussi et un ingrédient cosmétique apaisant, utilisé dans le de l’hygiène bucco-dentaire.

Nitrate de potassium et utilisation médicale

Le salpêtre, qui était déjà utilisé 3000 ans avant notre ère à des fins médicales, constitue, un ingrédient entrant dans la composition des médicaments.

A cheval entre le XVII et le XVIIIe siècles, Thomas Dover (1662–1742), un médecin–boucanier–aventurier, ne tarit pas d’éloge en ce qui concerne le salpêtre. Lorsqu’il n’est pas en mer à piller les navires espagnols chargés de richesse, il se consacre avec passion à la médecine.

Le salpêtre entre également dans la composition de la poudre de Dover qui comprend, en outre, de

l’opium, du  tartre vitriolé, de l’ipécacuanha et de la réglisse et qui s’administre, avec un petit coup de vin

blanc, pour faire tomber la fièvre, semble-t-il

La formule originale de la poudre de Dover a été publiée en 1732 par son auteur dans The Ancient Physician's Legacy

to His Country (Legs d'un ancien médecin à sa patrie) à la page 20. Cette formule est la suivante :

« Prenez de l'Opium une once ; du salpêtre et du Tartre vitriolé (Sulfate neutre de potasse), de chacun quatre onces ;

de l'Hipecacuana une once, et de la réglisse une once. Mettez le salpêtre et le Tartre dans un Mortier bien rougi au feu,

les remuant avec une cueuillère, jusqu'à ce qu'ils ayent cessé de flamber. Ensuite mettez-les en poudre superfine ;

puis répandez-la sur votre Opium : broyez-les en poudre et ensuite mêlez les autres poudres avec celle-ci. La Dose est de

quarante, soixante ou septante grains, dans un verre de vin-blanc-posset (C'est une boisson Angloise dont la base est le

petit-laict, qu'on fortifie comme on veut), lorsque vous irez au lict ; vous couvrant chaudement, et bûvant pour le moins une

Quarte (Une Quarte est une mesure pour les liquides, contenant deux pintes Angloises) ou trois Pintes de Posset durant les sueurs. »

Nitrate de potassium, aphrodisiaque ou anaphrodisiaque ?

Le nitre ou nitrate de potassium traîne après lui une réputation d’aphrodisiaque. Certains considèrent au contraire (ils se trompent visiblement si l’on en croit la suite de notre propos) qu’il s’agit d’un agent anaphrodisiaque permettant de traiter certaines situations telles que le priapisme.

La littérature évoque ainsi le cas d’un homme de 37 ans ayant réalisé une automédication avec du nitrate de potassium ingéré à la cuillère à soupe, toutes les 2 heures, à raison de 5 prises. Sa présence aux urgences n’était pas à mettre en lien avec les effets biologiques résultant d’une hyperkaliémie, mais à son priapisme persistant !

Nitrate de potassium, un désensibilisant efficace

L’hypersensibilité dentinaire est due à la mise à nue de la dentine qui n’est plus protégée par l’émail dentaire. Les tubules dentinaires sont ainsi exposés à différents stimuli, ce qui aboutit à une sensation douloureuse.

Ceci peut survenir en cas d’érosion de l’émail ou en cas de rétraction de la gencive. Un brossage trop énergique en est souvent la cause. C’est en 1974 que l’on a démontré l’effet désensibilisant d’une pâte dentifrice renfermant 5 % de nitrate de potassium.

En ce qui concerne le mécanisme d’action, on considère que le nitrate de potassium utilisé à la dose de 5 % ne permet pas de bloquer complètement le flux de stimuli traversant la dentine par occlusion des tubules ; il peut, en revanche, réduire la sensibilité des mécanorécepteurs qui, bien que soumis à des stimuli douloureux, ne sont plus excitables. On considère qu’un traitement pendant une à deux semaines permet de réduire la sensation douloureuse de manière significative. Aucun effet néfaste pour la dent n’est observé.

En conclusion

Le salpêtre est utilisé depuis longtemps pour la conservation de la viande. On s’était, en effet, rendu compte que du sel contaminé par du salpêtre permettait de conserver à la viande sa belle couleur rouge.

Dans les années 1900, nitrates et nitrites sont utilisés à des fins de conservation des aliments, afin de limiter la prolifération microbienne.

Dans les années 1950–1960, un certain nombre d’études pointent du doigt la formation de nitrosamines cancérigènes lors de l’association d’éléments minéraux (les nitrites) et de molécules organiques.

En 2012, des chercheurs américains tentent de faire le point sur le sujet des nitrates (bons ou néfastes pour la santé ?) ; ils nous rappellent au passage que les nitrates sont des molécules présentes dans notre alimentation via un certain nombre de légumes ou fruits :

  • la betterave en est particulièrement riche, viennent ensuite :

  • les épinards,

  • les radis,

  • le céleri,

  • le chou,

  • les haricots verts,

  • les fraises,

  • les bananes… 

 

Capillarité.png
Salpêtre.jpg
Canon.jpg
Clipped_image_20230512_195043.png
Nitrate de potasium.jpg
Dover Powder.jpg
bottom of page